La bibliothèque de Patrick
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Le Poids Du Papillon
de Luca, Erri
Quelque part dans les Alpes italiennes, un chamois domine sa harde depuis des années. Il est d’une taille et d’une puissance exceptionnelles, mais il pressent que sa dernière saison en tant que roi est arrivée, sa suprématie étant désormais menacée par les plus jeunes. En face de lui, un braconnier, revenu vivre en haute montagne ses espoirs en la Révolution déçus, sait lui aussi que le temps joue contre lui. A soixante ans passés, sa dernière ambition de chasseur sera d’abattre le seul animal qui lui ait toujours échappé, malgré son extrême agilité d’alpiniste : ce chamois à l’allure majestueuse...Le poids du papillon, récit insolite d’un duel entre l’homme et l’animal, nous offre une épure poétique d’une très grande beauté. Erri De Luca condense ici sa vision de l’homme et de la nature, nous parle de la montagne, de la solitude et du désir pour affirmer plus que jamais son talent de conteur, hors du temps et indifférent à toutes les modes littéraires.
Montedidio
de Luca, Erri
« Montedidio est une rue, en haut de Santa Lucia, en marge des quartiers espagnols ; c’est une rampe de lancement projetée vers le ciel, le plus loin possible du sol » Ainsi s’expliquait De Luca. Montedidio est le lieu où il a grandi et vécu jusqu’à l’âge de onze ans. C’est précisément l’histoire d’un gamin racontée en une suite de brefs chapitres dont on comprend qu’ils proviennent du rouleau de papier sur lequel ce gamin tient une sorte de livre d’heures, à mesure qu’il se familiarise avec l’usage de l’italien.Montedidio raconte comment s’aventurer dans une langue nouvelle revient à progresser dans un territoire encore vierge. Ce gamin, son père l’a mis à travailler. Il y a longtemps que les enfants pauvres n’ont plus le temps d’apprendre grand-chose à l’école. Sa famille appartient au peuple des mangeurs d’anchois. Son père est docker, parle le dialecte, demeure intimidé par l’italien. Sa mère, frappée par la maladie, porte la lucidité douloureuse du petit peuple. Le gamin parle napolitain mais écrit en italien. Nous vivons en Italie, dit le père, mais nous ne sommes pas Italiens. La patrie, c’est celle qui te donne à manger, tranche la mère. Conséquemment, la patrie du père, c’est elle.Et le gamin de relater par bribes ce quartier « napolide » sur ce rouleau de papier offert en échange de quelques attouchements à la sauvette. Une langue paisible, l’italien, qui reste sagement dans les livres. Une langue qui le repose du vacarme du napolitain. Le gamin, son père l’a donc mis à travailler en apprentissage chez un ébéniste à temps plein et pêcheur à ses heures, pour qui la journée est une bouchée, avide d’avaler le jour, les énergies et les bonnes volontés.La bonne volonté, Don Raffaniello en est l’image vivante. Il est roux, ses yeux sont verts, son dos est affligé d’une bosse. Il n’a pas d’âge. Sa bosse se craquelle et de là bientôt se déploieront des ailes. Il n’est pas d’ici, appartient à ce peuple « de vivants refusés par la mort » qui, depuis le Nord, est descendu vers les ports italiens pour s’embarquer vers Jérusalem. Raffaniello fait la charité aux pieds des pauvres dont il répare gratuitement les chaussures. En quête de terre promise, le vieux juif s’astreint de bonne grâce à son purgatoire. Le gamin est sous le charme de ses histoires, autant de leçons empreintes de poésie et de sagesse. Raffaniello pense entre autres que « chacun vit avec un ange ».Le seul ange tangible du roman, c’est Maria. Le corps sale du propriétaire de l’immeuble où elle habite la dégoûte, pas celui propre et sincère du gamin. Par sa tendre entremise, la douceur suave et sauvage de ses gestes, ce dernier va faire l’apprentissage des sentiments.Montedidio, roman où la mémoire serait un territoire perpétuellement à réinventer par le simple effet boomerang des vents contraires de la langue.
Sur les traces de Nives
de Luca, Erri
Erri De Luca accompagne la célèbre alpiniste italienne Nives Meroi dans l'une de ses expéditions himalayennes. Réfugiés sous la tente, en pleine tempête, ils engagent une conversation à bâtons rompus. Dans ce lieu magique à la jonction entre le ciel et la terre, où la beauté des montagnes contraste avec la violence des conditions climatiques, les récits d'altitude de la jeune femme sont une trame où se tissent réflexions et souvenirs de l'auteur autour du métier d'écrire et de la Bible. Présenté sous les traits d'une Pénélope qui n'a de cesse de faire et de défaire son ouvrage, car son ascension se conclut fatalement par le retour vers la plaine et par un nouveau départ vers une nouvelle conquête, le personnage de Nives, symbole de force et de courage, est l'occasion pour l'auteur d'explorer plus avant les chemins de son écriture et de dévoiler au lecteur d'autres facettes de son parcours à la fois humain et littéraire.
Trois chevaux
de Luca, Erri
Il a quitté l'Argentine après que la dictature a jeté sa femme, les mains liées, du haut d'un hélicoptère au fond de la mer. « A vécu pour moi, est morte pour offrir des yeux aux poissons », dit-il. Il a fui, s'est caché, a souffert, erré, s'est embarqué, a travaillé. Puis il est revenu chez lui, en Italie. Maintenant il est jardinier. Il sait qu'il est deux sortes de terre. « L'une a de l'eau en dessous, on y fait un trou et elle affleure. C'est une terre facile. L'autre dépend du ciel, elle est maigre, voleuse, capable de prendre de l'eau au vent et à la nuit. » Un jour, il rencontre Làila qui va avec des hommes pour de l'argent. Elle l'aime. Il sait qu' « une vie d'homme dure autant que celle de trois chevaux ». Commence pour lui la deuxième. Elle sera brève... Dans ce roman dépouillé et clair comme arbres bleus en hiver, Erri de Luca l'auteur de Tu, moi, En haut, à gauche, Acide, arc-en-ciel, Une fois, un jour, écrit des gestes : la première violette frottée sur les paupières, la soupe de pommes de terre aux épices rouges, les souliers ôtés pour toucher le sol du monde... Raconte aussi des histoires. Des vraies et des fausses. Des fausses pour faire passer les vraies. Des vraies pour dire que sans arrêt il faut choisir entre partir et rester, tuer ou laisser vivre. Les phrases sont courtes, le sang bat dans l'artère. Les images sont vives, jaune, noir, terre de Sienne. Le temps étale, bien à plat sous la main de l'écrivain. Merveille.