Collection: Livre 55 dans la collection Voyages extraordinaires
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Extrait: Un
départ retardé
« Eh ! capitaine
Bourcart, ce n’est donc pas aujourd’hui le
départ ?...
– Non, monsieur Brunel, et je crains que nous ne
puissions partir ni demain... ni même dans huit
jours...
– Cela est contrariant...
– Et surtout inquiétant, déclara M.
Bourcart en secouant la tête. Le Saint-Enoch devrait
être en mer depuis la fin du mois dernier afin
d’arriver en bonne saison sur les lieux de
pêche... Vous verrez qu’il se laissera distancer
par les Anglais et les Américains...
– Et ce sont toujours ces deux hommes qui vous
manquent à bord ?...
– Toujours... monsieur Brunel... l’un dont
je ne puis me passer, l’autre dont je me passerais
à la rigueur, n’étaient les règlements
qui me l’imposent...
– Et celui-ci n’est pas le tonnelier, sans
doute ?... demanda M. Brunel.
– Non... ayez la bonté de m’en croire,
non !... À mon bord, le tonnelier est aussi
indispensable que la mâture, le gouvernail ou la
boussole, puisque j’ai deux mille barils dans ma
cale...
– Et combien d’hommes compte le
Saint-Enoch, capitaine Bourcart ?...
– Nous serions trente-quatre, monsieur Brunel, si
j’étais au complet. Voyez-vous, il est plus utile
d’avoir un tonnelier pour soigner les barils que
d’avoir un médecin pour soigner les hommes !...
Des barils, cela exige sans cesse des réparations,
tandis que les hommes..., ça se répare tout seul !
D’ailleurs, est-ce qu’on est jamais malade à
la mer ?...
– Évidemment on ne devrait pas
l’être en si bon air, capitaine Bourcart... et,
pourtant, quelquefois...
– Monsieur Brunel, j’en suis encore à
avoir un malade sur le Saint-Enoch...
– Tous mes compliments, capitaine. Mais que
voulez-vous ? Un navire est un navire, et, comme tel, il est
soumis aux règlements maritimes... Lorsque son
équipage atteint un certain nombre d’officiers et
de matelots, il faut qu’il embarque un médecin...
c’est formel. Or vous n’en avez pas...
– Et c’est bien pour cette raison que le
Saint-Enoch ne se trouve pas aujourd’hui par le travers
du cap Saint-Vincent, où il devrait être !
»
Cette conversation entre le capitaine Bourcart et M.
Brunel se tenait sur la jetée du Havre, vers onze heures
du matin, dans cette partie un peu relevée qui va du
sémaphore au musoir.
Ces deux hommes se connaissaient de longue date,
l’un ancien capitaine au cabotage, devenu officier de
port, l’autre commandant le trois-mâts
Saint-Enoch.