Belle du seigneur Cohen, Albert
« Du joli, la passion dite amour. Si pas de jalousie, ennui. Si jalousie, enfer bestial. Elle une esclave et lui une brute. Ignobles romanciers, bande de menteurs qui embellissaient la passion, en donnant l'envie aux idiotes et aux idiots. » Albert Cohen n'embellit pas la passion mais l'analyse avec une lucidité sans pareille. Des amours entre Ariane et Solal dans la Genève du début du siècle, il n'élude aucun aspect, ni la marche triomphale de la passion, ni les affres de la jalousie, ni la brutalité d'une relation plutôt sadique mais son roman demeure une des histoires d'amour mythiques de la littérature. Brossant au passage un tableau féroce du milieu des fonctionnaires internationaux où il a lui-même fait toute sa carrière, mêlant un foisonnement de récits secondaires à l'intrigue principale et passant avec une maîtrise consommée du lyrisme le plus échevelé au constat le plus froid, Albert Cohen donne avec Belle du Seigneur non seulement son oeuvre maîtresse mais un des plus beaux romans du XXe siècle. --Gérard MeudalDescription« Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d'eux seuls préoccupés, goûtaient l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d'être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s'admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu'ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c'était cela, amoureux, et il lui murmurait qu'il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu'ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu'ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d'elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs, oui, tous les soirs ils se verraient. » Ariane devant son seigneur, son maître, son aimé Solal, tous deux entourés d'une foule de comparses : ce roman n'est rien de moins que le chef-d'oeuvre de la littérature amoureuse de notre époque.
Le livre de ma mère Cohen, Albert
Albert Cohen, l'auteur du célèbre Belle du seigneur signe ici un roman bouleversant en forme d'hommage à sa mère disparue. Le narrateur (Albert Cohen parle sans aucun doute de sa propre mère) exprime sa douleur insoutenable après le décès de sa mère : il fait de cette femme une sainte. La mère, juive émigrée de Corfou à Marseille, est l'image même du dévouement, de l'abnégation. Petite femme simple et boulotte, elle n'a aucune vie sociale puisque ses origines étrangères la retranchent de la bonne société marseillaise. Elle n'a pas d'instruction et passe ses journées aux fourneaux et au ménage. Elle n'a qu'un unique amour : son fils pour lequel elle sacrifie tout. Par son écriture magique, le grand écrivain qu'est Albert Cohen sanctifie, déifie cette petite femme au coeur simple. Il nous conte son quotidien fait de petites choses bien anodines mais si précieuses pour un fils. Son roman est un pardon adressé à cette mère dévouée qu'il a trop souvent délaissée. Car Cohen a quitté Marseille à 15 ans pour faire carrière dans la diplomatie à Genève. Ambitieux, il a eu tendance à renier un jour ses origines en rabrouant sa mère qui avait téléphoné dans une soirée mondaine pour savoir s'il n'était pas arrivé quelque chose à son fils... Cohen revient à plusieurs reprises sur cet événement fâcheux qui provoque sa culpabilité : sa mère avait imploré son pardon en larmes ; il considère alors sa douleur comme un juste châtiment.Ce roman s'adresse alors à tous les fils qui ont encore leur mère ; pour qu'ils ne soient pas ingrats, pour qu'ils passent encore du temps avec elle...Chacun peut se reconnaître en Albert Cohen : chacun a regretté de ne pas s'être davantage occupé d'un être cher. Le passage le plus émouvant relate la culpabilité du fils lorsqu'il commet un "péché de vie" : rire, se promener ou simplement manger...Un livre qui nous concerne au plus haut point...
Mangeclous Cohen, Albert
« Un héros comme Mangeclous atteint à l'épique. Il y a là, à mon sens, quelque chose sans aucune espèce de comparaison. Il y a du souffle de Rabelais. C'est comme dans Rabelais : on accepte tout. On accepte tout parce qu'il y a un amour du personnage, parce qu'il y a une manière démesurée de le traiter qui fait que simplement on est ébloui. » Joseph Kessel. « L'admirable Mangecloux, un grand héros comique d'une drôlerie extraordinaire. Le comique de Mangeclous est juif par sa subtilité, par les récifs de mélancolie qui affleurent soudain, par l'observation féroce et tendre qui le nourrit. Mais ce roman acquiert une portée générale par son humanité, son grand rire salubre, sa verve populaire. Sa fraîcheur, sa fruste saveur, sa robuste simplicité le font accéder à la majesté des légendes populaires et des grandes épopées. » Marcel Pagnol.