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En 1933, alors que Martin rentre en Allemagne, son ami Max
s'occupe de leur galerie d'art aux États-Unis. Dans leur
correspondance, Martin décrit la montée en
puissance d'Hitler dans son pays. Au fil des lettres, Max
comprend avec effroi que son ami adhère au nazisme. Au
nom d'une idéologie inhumaine, leur amitié est
menacée.
«Je ne trouve plus le repos après la lettre que
tu m'as envoyée. L'homme que j'ai aimé comme un
frère, dont le coeur a toujours débordé
d'affection et d'amitié, ne peut s'associer, même
passivement, au massacre de gens innocents.»
Américaine d'origine allemande, Kathrine Kressmann
est née en 1903 dans l'Oregon. Après des
études de lettres et de journalisme, elle devient
correctrice et rédactrice dans la publicité.
Écrit en 1938, Inconnu à cette adresse est
redécouvert en 1999 par les éditions Autrement et
devient un immense succès.
Jean-François Martin est né à Paris. Il a
effectué ses études à l'École nationale
Olivier de Serres (ENSAAMA). Après avoir été
graphiste chez Bayard, il s'est lancé dans
l'illustration jeunesse. Il travaille désormais pour
plusieurs grandes maisons d'édition et de presse,
françaises et étrangères. Il vit en
région parisienne.
GALERIE SCHULSE-EISENSTEIN,
Le 12 novembre 1932
Herrn Martin Schulse
Mon cher Martin,
Te voilà de retour en Allemagne. Comme je t'envie...
Je n'ai pas revu ce pays depuis mes années
d'étudiant, mais le charme d'Unter den Linden agit
encore sur moi, tout comme la largeur de vues, la
liberté intellectuelle, les discussions, la musique, la
camaraderie enjouée que j'ai connues là-bas. Et
voilà que maintenant on en a même fini avec
l'esprit hobereau, l'arrogance prussienne et le militarisme.
C'est une Allemagne démocratique que tu retrouves, une
terre de culture où une magnifique liberté
politique est en train de s'instaurer. Il y fera bon vivre.
Ta nouvelle adresse a fait grosse impression sur moi, et
je me réjouis que la traversée ait été si
agréable pour Elsa et les rejetons.
Extrait
SAN FRANCISCO, CALIFORNIE, USA
Schloss Rantzenburg
Munich, Allemagne
Personnellement, je ne suis pas aussi heureux que toi.
Le dimanche matin, je me sens désormais bien seul - un
pauvre célibataire sans but dans la vie. Mon dimanche
américain, c'est maintenant au-delà des vastes mers
que je le passe en pensée. Je revois la grande vieille
maison sur la colline, la chaleur de ton accueil - une
journée que nous ne passons pas ensemble est toujours
incomplète, m'assurais-tu. Et notre chère Elsa, si
gaie, qui accourait vers moi, radieuse, en s'écriant :
«Max, Max !», puis me prenait la main pour
m'entraîner à l'intérieur et déboucher
une bouteille de mon schnaps favori. Et vos merveilleux
garçons - surtout ton Heinrich, si beau... Quand je le
reverrai, il sera déjà un homme.
Et le dîner... Puis-je espérer manger un jour
comme j'ai mangé là-bas ? Maintenant, je vais au
restaurant et, devant mon rosbif solitaire, j'ai des visions
de Gebackener Schinken, cet exquis jambon en brioche fumant
dans sa sauce au vin de Bourgogne ; et de Spätzle, ah !
ces fines pâtes fraîches ; et de Spargeel, ces
asperges incomparables. Non, décidément, je ne me
réconcilierai jamais avec mon régime
américain. Et les vins, si précautionneusement
déchargés des bateaux allemands, et les toasts que
nous avons portés en levant nos verres pleins à ras
bord pour la quatrième, la cinquième, la
sixième fois...