Collection: Livre 9 dans la collection Les aventures d'Arsène Lupin
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Extrait :
Cette dame
déjeuna rapidement à l’auberge principale.
Puis, vers midi, elle pria le patron de lui garder sa valise,
demanda quelques renseignements sur le pays, et, traversant
le village, s’engagea dans la campagne. Presque aussitôt
deux routes s’offrirent à elle, l’une qui
conduisait à Quimperlé, l’autre à
Quimper. Elle choisit celle-ci, descendit au creux d’un
vallon, remonta et aperçut, vers sa droite, à
l’entrée d’un chemin vicinal, un poteau
indicateur portant la mention : Locriff, 3
kilomètres. « Voici
l’endroit », se dit-elle. Pourtant, ayant
jeté un regard circulaire, elle fut surprise de ne pas
trouver ce qu’elle cherchait. Avait-elle mal compris
les instructions qu’on lui avait donnés ? Autour
d’elle personne, et personne aussi loin qu’on
pouvait voir à l’horizon de la campagne bretonne,
par-dessus les prés bordés d’arbres et les
ondulations des collines. Un petit château, surgi de la
verdure naissante du printemps, érigeait non loin du
village une façade grise où toutes les
fenêtres étaient closes de leurs volets. À
midi les cloches de l’angelus se balancèrent dans
l’espace. Puis ce fut le grand silence et la grande
paix. Alors elle
s’assit sur l’herbe rase d’un talus, et
tira de sa poche une lettre dont elle déplia les
nombreux feuillets. La première page
portait, en haut, cette raison sociale : Agence Dutreillis,
Cabinet de Consultation, Renseignements confidentiels,
Discrétion. Puis, au-dessous,
cette adresse : « À Madame
Véronique, modes, Besançon. » Elle lut :
« Madame,
« C’est moi
aussi, ne l’oubliez pas, qui, sur votre demande, et
voyant combien il était utile de vous soustraire à
la haine, et, disons le mot, l’amour de votre mari, ai
fait les démarches nécessaires à votre
entrée au couvent des Carmélites. C’est moi
enfin qui, votre retraite dans ce couvent vous ayant
montré que la vie religieuse était contraire à
votre nature, vous ai procuré cette humble place de
modiste à Besançon, loin des villes où
s’étaient écoulées les années de
votre enfance et les semaine de votre mariage. Vous aviez du
goût, le besoin de travailler pour vivre et pour ne pas
penser. Vous deviez réussir. Vous avez réussi. « Et maintenant
arrivons au fait, au double fait qui nous occupe. « Tout
d’abord, la première question. Qu’est devenu
dans la tourmente votre mari, le sieur Alexis Vorski.
Polonais de naissance, selon ses papiers, et fils de roi
selon ses dires ? Je serai bref. Suspect, enfermé,
dès le début de la guerre, dans un camp de
concentration, près de Carpentras, le sieur Vorski
s’est échappé, est passé en Suisse, est
rentré en France, a été arrêté,
accusé d’espionnage et convaincu d’être
Allemand. Une seconde fois, alors
qu’inévitablement l’attendait une
condamnation à mort, il s’échappa, disparut
dans la forêt de Fontainebleau et, en fin de compte, fut
poignardé on ne sait par qui...
Le pittoresque village du Faouët, situé au
cœur même de la Bretagne, vit arriver en voiture,
un matin du mois de mai, une dame dont l’ample
vêtement gris et le voile épais qui lui enveloppait
le visage, n’empêchaient pas de discerner la
grande beauté et la grâce parfaite.
« Vous ne sauriez croire avec quel plaisir je me
suis acquitté de la double mission dont vous avez bien
voulu me charger par votre honorée de ce mois de mai
1917. Je n’ai jamais oublié les conditions dans
lesquelles il me fut possible, il y a quatorze ans, de vous
prêter mon concours efficace, lors des pénibles
événements qui assombrirent votre existence.
C’est moi, en effet, qui ai pu obtenir toutes les
certitudes relatives à la mort de votre cher et
respectable père, M. Antoine d’Hergemont, et de
votre bien-aimé fils François, —
première victoire d’une carrière qui devait
en fournir tant d’autres éclatantes.